Hiver 1999

Le mois de février 1999 a concerné l’ensemble des Alpes du Nord. Une succession d’avalanches catastrophiques en France (Montroc, 12 février 1999, 12 morts), Suisse (Evolène, 12 morts), Autriche (Galtür, 31 morts, Valzür, 8 morts), et en Italie dans une moindre mesure. C’est l’un des hivers les plus meurtriers depuis 1978, 1970, et 1954.


Galtür après l’avalanche catastrophique (23 février 1999). Source : Karl Kleemayr.

En février 1999, l’activité avalancheuse dans les Alpes du Nord a connu une très grande ampleur et marque la mémoire comme l’une des plus meurtrières depuis 50 ans. En l’espace de 15 jours, plusieurs dépressions frappent les Alpes, de la France à l’Autriche. Le 9 février, une avalanche tue 12 personnes dans des chalets à Montroc (France, Haute-Savoie) ; dans la même période, les vallées de Haute-Savoie, de Savoie et du val d’Aoste (Italie) connaissent une activité avalancheuse très importante, puisque plusieurs avalanches atteignent les fonds de vallée, dépassant parfois les emprises historiques connues. Quelques jours plus tard, sous l’effet d’un second passage perturbé, c’est Evolène dans le Valais (Suisse) qui est touché. On dénombre 9 morts dans les habitations. Enfin, le 23 février, 38 personnes sont ensevelies dans deux stations du Tyrol, Galtür et Valzür (Autriche). Pour retrouver dans l’histoire récente une activité avalancheuse aussi meurtrière et couvrant une telle zone géographique, il faut remonter aux hivers 1970 (95 personnes tuées en France et en Suisse, dont 39 à Val-d’Isère), 1954 (143 personnes emportées en Autriche), et 1951 (98 personnes tuées). À l’échelle de la France, la crue avalancheuse du début février est comparable à celles de janvier 1981 et de février 1978, mais elle n’atteint pas l’ampleur et l’extension de la crue de février 1970 ou bien plus en arrière, des terribles hivers 1914 et 1923.

Montroc

Après les fortes chutes de neige de la fin janvier puis du début février, une crue avalancheuse touche la vallée de Chamonix le mardi 9 février 1999. En tout ce sont plus d’une dizaines d’avalanche de très grande ampleur qui atteigne le fond de vallée. La plus catastrophique est celle de Montroc, qui cause la mort de 12 personnes dans leurs habitations.


Hameau du Péclerey à Montroc (Chamonix-Mont-Blanc) le lendemain de l’avalanche castrophique (9 février 1999). Source : Christophe Ancey.
En savoir plus sur l’avalanche de Montroc :

  • article paru dans Neige et Avalanches et présentant les résultats de l’expertise commandée par le préfet de Haute Savoie en février 1999 et pilotée par Christophe Ancey (expertise Cemagref-Météo-France) ;
  • article paru dans la Houille Blanche et présentant les résultats de l’expertise Cemagref-Météo-France commandée par le préfet de Haute Savoie en février 1999. Il s’agit de la présentation faite par Christophe Ancey à la Société Hydrotechnique de France en 2000 ;
  • une copie électronique de la partie principale du rapport est disponible. Ce rapport commandé par la Préfecture de Haute-Savoie n’a jamais été publié officiellement.

Le bilan vu du côté des Suisses

Zonage

Les méthodes à la base de l’estimation du risque d’avalanche ont été jugées bonnes. Grâce au zonage, de sérieux dommages aux habitations ont pu être évités. Sur certains aspects particuliers, l’hiver 1999 a néanmoins mis en évidence un certain nombre de faiblesses dans les procédures actuelles de zonage. De plus, cet hiver a montré le manque de pertinence des valeurs de hauteur de neige mobilisées, telles que calculées jusqu’à présent dans les calculs d’extension d’avalanches.


Zonage de Geschinen (Valais).
Le village fut touché par une avalanche consécutive à plusieurs autres (une victime).

Une bonne mise à l’épreuve

Délimitation des zones de départ :
la délimitation des zones de départ sur la base de pentes comprises entre 28 et 50° s’est révélée pertinente. Durant l’hiver 1999, aussi bien des zones de départ avec des pentes moyennes de 30° environ que celles de pentes autour de 50° ont connu une activité avalancheuse. De manière plus exceptionnelle, de grosses avalanches sont relativement fréquemment descendues de versants très raides, alors qu’en conditions ordinaires, elles ne mobilisaient que de petites quantités de neige, car la neige se purge rapidement après la moindre chute de neige.Distance d’arrêt des avalanches coulantes : la distance d’arrêt des avalanches coulantes a été calculée de manière très correcte à peu près partout. Dans la plupart des cas, les avalanche ont à peine atteint la limite de la zone bleue, sans pour autant la dépasser.

Tolérance aux erreurs : la méthode de détermination du risque d’avalanche s’est révélée dans un certaine mesure comme robuste par rapport aux erreurs que l’on avait pu commettre. Quoique ponctuellement les épaisseurs de neige déclenchée étaient supérieures aux valeurs acceptées, les distances d’arrêt calculées n’ont été dépassées qu’exceptionnellement.


Lignes de claies abimées au-dessus de Zermatt (Valais). Source : SLF

Faiblesses manifestes

Avalanches en aérosol : durant l’hiver 1999, principalement en basse Engadine et dans le Valais, de nombreuses avalanches en aérosol ont atteint les limites des cartes d’avalanches et ont provoqué des dégâts considérables. Certes, dans les méthodes actuelles, il y a la possibilité de rendre compte du danger d’aérosols à travers les zones jaunes. Dans la pratique pourtant, les outils actuels de calcul appropriés pour délimiter de manière suffisante les zones de danger d’aérosol sont défaillants.

Sur-avalanches : à plusieurs reprises dans les sites avalancheux avec des zones de départ potentielles étendues, plusieurs avalanches se sont produites dans un laps de temps court. Cela a conduit à ce que des avalanches soient détournées par des dépôts d’avalanches précédentes ou à ce que des plages de dépôt soient comblées et ainsi que leurs fonctions ne puissent plus être assurées. Pour des gros sites avalancheux et des zones de dépôt planes, une attention accrue devrait être porté tant sur la cartographie des risques d’avalanche que le dimensionnement des plages de dépôt en ce qui concerne le risque potentiel de sur-avalanche. On doit prendre conscience qu’en cas de sur-avalanches, les conditions d’écoulement peuvent être rendues meilleures après le passage d’une première avalanches et que les avalanches ultérieures peuvent alors parcourir des distances plus grandes. En outre, une plus grande attention doit être portée à un élargissement latéral accidentel d’un bras d’une avalanche dans les zones de dépôt avec une pente inférieure à 10°.

Cassure de l’avalanche déclenchée à la Sionne en février 1999 (site expérimental du SLF). Source SLF.

Incertitude

Épaisseur déclenchée : dans la procédure actuelle des distances d’arrêt, l’épaisseur de déclenchement est calculée sur la base du cumul de neige sur trois jours consécutifs. Sur cette base, plusieurs avalanches auraient des épaisseurs de déclenchement, dont la période de retour serait supérieure à 300 ans. On aurait en conséquence pu s’attendre à ce que les distances d’arrêt soient supérieures aux valeurs calculées. Des explications complémentaires doivent être apporter sur le non-dépassement de ces valeurs et du rôle joué par le réchauffement avant le passage du troisième passage perturbé.

En savoir plus :