Hiver 2017

Un hiver précoce

L’hiver 2016-2017 commence précocement avec de belles chutes de neige jusqu’à basse altitude. Heureuse surprise pour moi qui monte depuis les Paccots au col du Lys le samedi 12 novembre 2016. Bonne neige et épaisseur suffisante. Mais une chute précoce n’est jamais bon signe pour la suite.

Préalpes fribourgeoises depuis le col du Lys
Figure 1 : le Pays d’en Haut vu depuis le col du Lys (FR) le 12 novembre 2016.

Dans les Alpes du Nord, l’isotherme 0 °C remonte rapidement de 1000 à 3000 m entre le 10 et le 16 novembre [1]. Il n’y a plus qu’à voir la neige fondre et attendre les prochaines chutes. Du 20 au 26 novembre, le flux passe au sud et amène de fortes précipitations sur la chaîne frontalière entre la France, la Suisse, et l’Italie. Les chutes de neige sont abondantes, principalement en haute Maurienne en France et dans la région du Simplon en Suisse. Pour le Simplon, le cumul de neige sur 6 jours se situe entre 1 et 2 m à 2400 m [1]. Selon Météo-Suisse [2], l’épisode de flux de sud du 20 au 25 novembre 2016 est le troisième épisode le plus long depuis 1981. Il est notamment plus long que celui de novembre 1996, qui avait également occasionné de fortes chutes de neige le long de la frontière italienne et dans les Alpes du Sud (avalanche causant des dommages à Orcières Merlette). En revanche, si les quantités de neige ont été très importantes, elles n’ont pas été exceptionnelles pour les Alpes Suisses puisque aucun cumul supérieur à 250 cm n’a été observé.


Figure 2 : le cirque de l’Arcelle vu depuis hélicoptère après l’avalanche du 25 novembre 2016. Source : Service des pistes de Val Cenis.

En haute Maurienne, les fortes précipitations provoquent une activité avalancheuse d’ampleur en haute altitude. Le télésiège de l’Arcelle (Val Cenis) est touché le 25 novembre 2016 par la phase aérosol d’une grosse avalanche. Il est difficile de donner des valeurs précises d’enneigement car la station était fermée à cette époque.
Ce que l’on sait c’est que la limite pluie/neige oscille probablement autour de 2500 m le lundi 21, puis s’abaisse à 2000 m les 22 et 23. En l’absence de données nivométriques sur l’Arcelle, on peut se faire une idée de la vigueur de l’épisode en reprenant les valeurs fournies par Météo-France sur les postes voisins :

  • à Bessans (1715 m), il est tombé 287 mm de précipitations du 18 au 25 novembre 2016, donc 202 mm le 24 novembre (veille de l’accident) ;
  • au col du Mont-Cenis (1715 m), il est tombé 284 mm de précipitations du 21 au 26 novembre 2016, donc 200 mm le 24 novembre ;
  • au col du Mont-Cenis (1280 m), il est tombé 245 mm de précipitations du 21 au 26 novembre 2016, donc 188 mm le 24 novembre.

Ce sont des valeurs tout à fait exceptionnelles et assez homogènes pour la haute Maurienne puisque la veille de l’accident, tous les postes ont mesuré une lame d’eau d’environ 200 mm en 24 h (du 24 au 25 novembre 7 h TU). Pour donner un ordre de grandeur du caractère exceptionnel, le cumul de pluie sur Termignon est de 1100 mm ; il est donc tombé en 24 h ce qu’il tombe en moyenne en deux mois. La valeur record de précipitation au col du Mont-Cenis (pluviographe EDF) était de 146 mm. L’analyse statistique des précipitations donne une période de retour d’environ 300 ans pour la pluie journalière du 24 novembre 2016 !

Pour le cirque de l’Arcelle, on peut estimer que le cumul sur 5 jours devait être voisin de 2 m, mais l’oscillation de l’isotherme du 0 °C et le régime de lombarde associé aux précipitations ont entraîné des variations très importantes dans la répartition des précipitations de neige tandis que l’effet de foehn a conduit à une hausse importante des températures dès qu’on s’éloigne de la zone frontalière.


Figure 3 : gare d’arrivée du TSD l’Arcelle vue depuis hélicoptère après l’avalanche du 25 novembre 2016. Source : Service des pistes de Val Cenis.


Figure 4 : dommage à la gare (endommagement des surfaces en plexiglas du tympan). Source : Service des pistes de Val Cenis.

Quand on examine les données disponibles pour la Suisse [2], on note qu’au cours des 35 dernières années, il y a eu 12 événements significatifs, soit un en moyenne tous les 3 ans, mais leur distribution est très variable : 2 épisodes pour les années 1980, 5 pour les années 1990, 2 pour les années 2000, et 3 déjà pour l’actuelle décennie. Pour la haute Maurienne, nous n’avons pas de statistiques, mais la chronique des gros accidents d’avalanche montre également qu’il y a une distribution très variable (les hivers 1972 et 1978 n’ont pas connu d’équivalents au cours des deux dernières décennies même si localement comme en 2013 des fortes chutes de neige ont pu se produire). Dans notre compréhension actuelle du changement climatique, nous redoutons toutefois la multiplication de tels épisodes : la mer Méditerranée est plus chaude, elle peut pulser de l’air chaud et humide vers les Alpes, et si cet air rencontre un front froid ou des masses d’air froid, de fortes chutes de neige sont attendues.

Les Pyrénées dans la tourmente

Le mois de décembre 2016 est un mois de disette. La neige se fait attendre un peu partout. Il faut attendre le 10 janvier pour commencer à voir la neige tomber en abondance [4]. À Cauterets dans les Pyrénées (65), les chutes de neige sont importantes : du mardi 10 janvier 2017 au lundi 16 janvier 2017, on observe 280 cm de cumul en 7 jours, l’épisode est le troisième plus important (assez loin du record de 440 cm de février 2013, mais sur 14 jours). La période de retour de tout l’épisode est de T = 15 ans. Plus remarquable est la valeur des chutes de neige du 14 au 16 janvier, avec 175 cm sur 3 jours, qui se rapproche du record de 2013 (220 cm). La période de retour est T = 15 à 20 ans d’après l’analyse nivo-météorologique statistique. Sur cette base, on peut estimer que l’épisode de neige de janvier 2017, est parmi les plus forts que la station a subis au cours des 35 dernières années.


Figure 5 : tapis du Grand Yéti endommagé après l’avalanche du 16 janvier 2017. Source : Service des pistes de Cauterets.

L’analyse des chutes de neige montre que (i) les trois plus gros cumuls se sont produits à une date récente (2013 et 2016) ; (ii) on compte 17 événements ayant amené plus de 150 cm de neige depuis 183 (en moyenne un tous les deux ans), mais parmi ceux-ci 8 se sont produit au cours des 5 dernières saisons. Il y a donc eu un accroissement très sensible (d’un facteur 7) de la fréquence d’occurrence des gros épisodes de neige puis que sur la période 1983-2012, on compte 8 événements en 30 ans, soit une probabilité annuelle de 0,26 alors que pour les 5 dernières années, on en compte 9, soit une probabilité annuelle de 1,8.

Tableau 1 : liste des épisodes de neige ayant amené plus de 150 cm sur Cauterets à 1800 m depuis déc. 1983.
DateDurée de l'épisodeCumul de neigePériode de retour (ans)
5 avril 198691532
3 février 1994131532
1 mars 199581592
24 mars 201441622
18 janvier 201471652
18 mars 200781763
15 mars 1985101843
26 février 201471953
23 mars 199282175
21 février 201572325
21 décembre 199392517
13 janvier 201362598
28 mars 198792608
26 février 20161530814
9 janvier 20171031315
20 janvier 2013932116
2 février 20131444068

L’origine de cette soudaine augmentation de la fréquence des gros cumuls n’est pas connue avec certitude. Il peut s’agir d’une « série noire ». Le cas se produit lorsque des scénarios météorologiques se maintiennent durant quelques années. Il y a ici peu d’éléments en faveur de cette interprétation, mais statistiquement cela reste dans le domaine du possible. Il peut s’agir d’une conséquence du réchauffement climatique en cours. Le conflit entre masses d’air chaud et humide et air froid entraîne, dans certains secteurs, un accroissement sensible de l’intensité des précipitations. Ce scénario est plausible, notamment car il se voit sur plusieurs zones sous influence maritime. Dans ce cas de figure, la station doit se préparer à une multiplication sensible des « gros coups de neige », donc des situations avalancheuses sur le site.

Un flux de sud dévastateur

Après une fin janvier et un mois de février où petites chutes de neige et coups de foehn alternent, le mois de mars voit une offensive de l’hiver avec de fortes chutes de neige dans les Alpes suisses ; on estime à un peu près 1 m de neige le cumul sur la Suisse occidentale durant cet épisode [5]. Avec le fort vent de sud, il y a eu un fort transport de neige et donc localement les quantités de neige cumulées ont pu être significativement plus importantes. Comme en témoigne l’avalanche de la Croix de Fer au-dessus du Châtelard (VS), les épaisseurs des cassures sont parfois impressionnantes. Le SLF déclenche le 8 mars une des plus grosses avalanches observées au cours de la dernière décennie [6].

avalanche du lac de Catogne
Figure 6 : avalanche du 7 ou 8 mars 2017 dans la combe des Jeurs, lac de Catogne sous la Croix de Fer, au-dessus du Châtelard (VS). Source : Jérôme Descomes-Sevoie.

Le hameau (non habité durant l’hiver) du Van d’en Haut sur le territoire de la commune de Salvan (VS) a été touché sévèrement par une avalanche issue due la pointe de la Djoua le mercredi 8 mars 2017 [7]. Dans le val Ferret et la vallée de la Dranse, il y a eu une activité avalancheuse de grande ampleur comme le montrent les dommages à la forêt à Champex ou au chalet d’alpage dans le val Ferret.

Van d'en Haut, commune de Salvan
Figure 8 : avalanche du mercredi 8 mars 2017 au Van d’en Haut, commune de Salvan (VS). Source : PiX4D.

alpage du mont Percé
Figure 9 : alpage du mont Percé (2023 m) dans le Val Ferret (commune d’Orsières, VS) endommagé par une avalanche venue du mont Fourchon à une date inconnue, sans doute le 8 mars 2017. Cliché pris en avril 2017.

combe du Barmay
Figure 10 : combe du Barmay sous les clochers d’Arpette (commune de Champex, VS) en avril 2017.

Avalanche du Van-d’en-Haut

Je montre ici quelques photographies prises le vendredi 7 avril 2017 en compagnie du bureau Geoformer de Brigue et Silva Plus en charge de la requalification du risque sur le Van d’en Haut.

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Remerciements

  • Philippe Dupla, directeur Espaces Cauterets
  • Yves Flammier, service des pistes Val Cenis
  • André Burkard, Geoformer

Sauf mention contraire, les photographies sont de Christophe Ancey.




Des avalanches et des hommes

Avalanches dans le passé

Les chaînes de montagne telles que les Alpes ont été occupées depuis le Néolithique après la dernière période glaciaire et le début de l’expansion des forêts. Outre les communautés pastorales dans les fonds de vallée, les hommes vivaient dans les zones de haute altitude afin d’exploiter silex et minerais. En 1991, une momie vieille de 5300 années (appelée Ötzi) a été trouvé à 3200 m près d’un col glaciaire, à la frontière austro-italienne. Les Alpes n’étaient pas une barrière infranchissable. Hannibal puis des armées romaines franchirent les Alpes, montrant que des armées entières étaient capables de traverser des montagnes enneigées. Pourtant, même après la conquête romaine sous César et Auguste, la construction de routes, et la fondation de nouvelles villes, la neige et les avalanches ont fait des Alpes un lieu qui semblait inaccessible et redoutable aux yeux des auteurs classiques.

L’effondrement de l’Empire romain a été suivi d’une forte baisse de la population et de la rupture des voies commerciales entre les différentes parties de l’empire. Les régions de montagne furent particulièrement concernées. Dès la fin du Moyen Age (après le XIIIe siècle), ces régions ont connu un renouveau économique et une forte croissance de la population, ce qui implique que des zones d’altitude élevée comme Davos (1550 m, Suisse) ou Bonneval-sur-Arc et Saint-Véran (1750 m et 2050 m, France) furent occupées en permanence. Les populations locales ont élaboré des stratégies spécifiques pour survivre aux hivers et ses dangers. Par exemple, les murs des habitations étaient protégés par des tas de terre et les zones menacées étaient délimitées par des croix et des chapelles placées sous la protection des saints. Lorsque des forêts mettaient des villages à l’abri des avalanches, les communautés et les seigneurs féodaux édictaient des règles strictes quant à l’exploitation des ressources forestières. Ceux qui coupent des arbres dans les forêts «interdites» (forêt à ban ou Bannwald en allemand) risquaient la peine de mort. En Suisse, les voyageurs empruntant la route du col du Gothard devaient être frappés par la forêt protégeant les maisons serrées du village d’Andermatt. C’était la seule tâche de verdure qu’ils pouvaient voir au milieu de vallées désertes, où la plupart des pentes, raides et nues, sont parcourues par de grosses avalanches chaque hiver.

Un changement climatique appelle le petit âge glaciaire s’est produit de la fin du XVe au XIXe siècles. En particulier, la fin du XVIIe siècle connut de nombreuses calamités dues au froid et à la neige. Des hivers longs et très froids ont été plus fréquents dans l’hémisphère nord. En montagne, ces conditions ont favorisé la formation et la propagation d’avalanches catastrophiques. Plusieurs villages ont été régulièrement touchés par des avalanches, ce qui a conduit les habitants à abandonner leurs habitations et de trouver des endroits plus sûrs. Construit à la fin XIIIe siècle, Vallorcine (Haute-Savoie) était un village typique avec ses chalets en bois serrés autour de l’église, la seule structure totalement en maçonnerie. En 1674, une partie du village a été balayée par une avalanche et les habitants ont décidé de disperser leurs habitations dans des hameaux éloignés. Ils ont également décidé que l’église et le curé resteraient au même endroit. Ce choix peut nous surprendre aujourd’hui, mais pour les chrétiens de cette époque, les forces naturelles ne devaient rien au hasard. Les catastrophes naturelles ont été interprétées comme des manifestations de la Providence, un message de Dieu ou une punition: ils étaient des actes de Dieu, une expression qui est encore en usage dans les contrats d’assurance dans le monde anglo-saxon lorsqu’on se réfère à des événements imprévus. Pour les communautés alpines très croyantes comme celle de Vallorcine, Dieu épargnerait très certainement l’église. Malheureusement, cette église a été frappée à nouveau en 1720. Pour autant les habitants ne changèrent pas d’avis. Ils décidèrent tout simplement de construire une étrave en terre et pierres sèches pour protéger le mur exposé aux avalanches (voir Fig. 1).


Tourbe de Vallorcine
Figure 1. L’église de Vallorcine (France) et son presbytère, protégés par une « tourne » (étrave en maçonnerie), dont la construction a commencé en 1674. Elle a été renforcée et rénovée en 1720, 1843, 1861, et 2006.

Au cours du XXe siècle, de nombreuses régions montagneuses ont connu une forte croissance économique avec le développement des transports, de l’industrie et du tourisme. De nouvelles techniques ont été élaborées pour réduire le risque d’avalanche. Au tout début du XXe siècle, ce sont les stratégies de défense dites actives (celles qui prennent place dans les pentes supérieures) qui avaient le vent en poupe. Elles comprennent le reboisement des versants et la construction de structures de soutien du manteau neigeux pour maintenir la neige en place et empêcher la formation d’avalanche (voir Fig. 2). Des explosifs sont également utilisés dans ce type de stratégie, mais dans le but de forcer le déclenchement des avalanches (l’idée est que le déclenchement fréquent de petits volumes de neige évite le départ spontané d’une grande avalanche). Des exemples tragiques d’utilisation ont été donnés lors de la Première Guerre mondiale dans les Alpes, avec le conflit entre l’Italie et l’Empire austro-hongrois et, plus récemment, les guerres au Cachemire entre l’Inde et le Pakistan : de nombreux camps et positions militaires ont été ensevelis sous des avalanches déclenchées par les bombardements. Aujourd’hui, des explosifs sont utilisés à des fins plus pacifiques par les stations de ski pour protéger leur domaine skiable. Les années 1960 et 1970 ont été marquées par plusieurs catastrophes dans les Alpes, qui ont contribué à sensibiliser les populations vis-à-vis des risques posés par les avalanches dans les vallées urbanisées. Parmi ces tragédies, deux événements ont revêtu une importance particulière parce qu’ils ont mis en évidences des lacunes graves dans la gestion du risque d’avalanche dans les zones nouvellement urbanisées. Davos (Grisons, Suisse) et Val d’Isère (Savoie, France) sont deux villages multi-centenaires transformés en stations de ski renommées. En dépit de la longue tradition de lutte contre les avalanches, celles-ci ont causé des dommages graves et de nombreux décès : 24 personnes tuées à Davos en 1968 et 39 personnes à Val d’Isère en 1970. À la suite de ces catastrophes, une attention accrue a été portée à l’élaboration de nouvelles stratégies de gestion du risque d’avalanche. Outre les mesures structurelles telles que renforcement des murs, l’accent a été mis sur des techniques non structurelles telles que la cartographie des risques d’avalanche, l’aménagement du territoire, la prévision des avalanches, le suivi des couloirs avalancheux, la réalisation de base de données historiques, et l’élaboration d’outils de calcul pour prédire la distance d’arrêt et pression d’impact des avalanches extrêmes.


protection paravalanche à Flaine
Figure 2. Mélanges de techniques de protection active dans la station de ski de Flaine (Haute-Savoie, France): partout où la couverture forestière n’est pas suffisante à empêcher la formation d’avalanche, des râteliers (au milieu) et des croisillons métalliques appelés Vela (à droite) ont été placés dans les espaces entre les arbres.

En février 1999, les Alpes ont été frappées par une série de tempêtes de neige, qui ont provoqué des avalanches catastrophiques en France (12 personnes tuées à Chamonix), Suisse (17 personnes tuées), Autriche (37 personnes tuées), et Italie (1 décès). La figure 3 montre les opérations de secours à Montroc (commune de Chamonix-Mont-Blanc) juste après qu’une avalanche a balayé vingt chalets. La perte économique en raison de dommages aux équipements et habitations ainsi que les coûts indirects liés à la diminution des recettes touristiques ont été très importants. Si les systèmes de protection n’ont pas pu fournir une sécurité totale en février 1999, ils ont évité l’occurrence de catastrophes plus grandes alors que la saison touristique battait son plein. Juste pour la Suisse, les paravalanches ont empêché le départ ou limité la propagation de plus de 300 avalanches affectant des secteurs urbanisés durant l’hiver 1999.


avalanche de Montroc 1999
Figure 3. Les opérations de secours dans le hameau de Montroc (Chamonix, France) après qu’une avalanche a détruit vingt chalets et tué 12 occupants le 9 février 1999.

Les avalanches de nos jours

Dans les zones de montagne fortement peuplées telles que les Alpes, le risque d’avalanche est géré à travers ses dimensions temporelle et spatiale. En Amérique du Nord et en Europe, les bulletins d’avalanches régionaux sont publiés chaque jour par les services météorologiques nationaux au cours de la saison d’hiver. Ils fournissent une évaluation du danger d’avalanche pour le lendemain à destination d’un large public comprenant les professionnels de la montagne, les autorités locales et les pratiquants de sports d’hiver. La dimension spatiale couvre différents aspects de gestion du risque d’avalanche. Dans les pays occidentaux, le zonage est utilisé par les communes à la fois comme un outil légal d’aménagement du territoire et comme un support d’information avec des données détaillées des zones concernées par les avalanches. Cette information est synthétisée en utilisant la relation entre intensité et fréquence : moins les avalanches sont fréquentes, plus elles sont potentiellement destructrices. L’intensité est mesurée par la pression d’impact exercée par l’avalanche contre un mur rigide. L’unité physique est le kilopascal (kPa). Pour donner un sens physique à cette unité, nous pouvons la comparer avec la pression atmosphérique (1 kPa = 0,01 atm) ou utiliser une correspondance avec la masse par unité de surface (10 kPa = 1 t / m²). La fréquence est exprimée à l’aide de la période de retour. Trois ou quatre zones de couleur (rouge / bleu / blanc et jaune) sont utilisées selon la combinaison entre la fréquence et l’intensité. Par exemple, la zone rouge correspond à un risque élevé. Dans ce cas, des avalanches fréquentes avec des pressions d’impact allant de 3 à 30 kPa ou bien des avalanches rares (dont la période de retour supérieure à 100 ans), mais avec de fortes pressions d’impact (plus de 30 kPa) sont susceptibles de se produire et de causer des dégâts substantiels aux habitations. La construction de nouvelles maisons est interdite et si les bâtiments existants peuvent toujours être utilisés, il n’est pas possible de les modifier ou de les étendre. Les autres zones comprennent les zones bleue (risque moyen, constructions renforcées possibles), jaune (risque faible, évacuation possible dans les situations d’urgence), et blanche (pas de risque ou de risque résiduel, aucun règlement). La figure 4 montre un extrait de la carte des risques d’avalanche pour la commune de Chamonix-Mont-Blanc (France).


PPR Chamonix
Figure 4. Avalanche carte des risques de centre-ville de Chamonix (France), avec les trois codes de couleur : zone rouge (aucune nouvelle construction est possible), zone bleue (des constructions sont possibles sous réserves), zone blanche (faible risque d’avalanche). Les zones en verts représentent les forêts de protection. Source : commune de Chamonix-Mont-Blanc (http://www.chamonix.fr).

Compte tenu de ces mesures de protection paravalanche, le nombre de décès dus aux avalanches dans les zones urbanisées a sensiblement diminué en Europe après les années 1970. Les dernières catastrophes sont survenues dans les Alpes en février 1999 (environ 70 personnes tuées en Autriche, la France et la Suisse), en Islande en 1995 (34 morts dans Súðavík et Flateyri), en Turquie en février 1992 (plus de 200 victimes à Görmec et ses environs). Aux États-Unis et au Canada, la plupart des catastrophes concernent les voies de communication et des infrastructures. La pire avalanche dans l’histoire des États-Unis a eu lieu en mars 1910 quand une avalanche a enseveli deux trains bloqués par la tempête de neige sous Stevens Pass alors qu’ils allaient à Seattle (96 personnes tuées). Trois jours plus tard, 58 travailleurs des chemins de fer ont été ensevelis par une avalanche alors qu’ils travaillaient à déblayer la ligne sous Rogers Pass (Canada). Rogers Pass était tristement célèbre pour ses avalanches qui ont coûté la vie à plus de 200 passagers et travailleurs entre 1884 (achèvement du premier chemin de fer transcontinental au Canada) et 1913 (construction d’un tunnel contournant Rogers Pass). Dans les pays du tiers monde, les avalanches sont un problème majeur, mais occulté. En février 2015, 286 personnes sont décédées dans la vallée du Panshir en Afghanistan (au nord de Kaboul) après chutes de neige et les avalanches.

De nos jours, les accidents mortels se produisent essentiellement lors d’activités de loisir, principalement le hors-piste et le ski de randonnée. En de rares occasions, ils concernent des voies de communication. Au cours des 20 dernières années, le nombre moyen de morts dus aux avalanches est assez stable dans les Alpes avec 31 victimes en France, 22 en Suisse, 26 en Autriche, 20 en Italie et 10 en Allemagne. Au Japon, le nombre de morts est voisin de 30 en moyenne chaque année, 24 en Turquie, 30 aux États-Unis (mais la tendance est à l’augmentation), et 7 au Canada.




Avalanche de l’Arcelle du 16 avril 2009

Dans l’après-midi du 16 avril 2009, une avalanche s’est produite dans le cirque de l’Arcelle. Elle a coupé deux pistes de ski du domaine de Val-Cenis-Vanoise. Cet article revient sur les circonstances et les conséquences de cet événement exceptionnel.

Site

Le site de l’Arcelle est un vaste versant qui s’étire du Signal du Mont-Cenis (3377 m) jusqu’à la rive gauche de l’Arc (1470 m) à Lanslevillard (Savoie). La ligne de crête longue d’environ 1,8 km dépasse les 3000 m d’altitude. L’orientation générale est au nord-ouest, mais certains panneaux du cirque sont exposés différemment. Le site est connu pour son activité avalancheuse. Des avalanches coulantes exceptionnelles comme celle de mai 1983 peuvent atteindre l’Arc ; le haut du site a également été à plusieurs reprises balayé par des aérosols plus ou moins puissants et des avalanches coulantes rapides. C’est ce caractère avalancheux qui a longtemps été un frein à l’équipement du secteur. Les responsables de la station s’étaient donné plusieurs saisons d’observation pour déterminer la meilleure façon d’aménager le secteur. Un lanceur pneumatique (avalancheur) a été installé durant l’hiver 1997-98 afin de tester les pentes de l’Arcelle. À l’automne 2000, plusieurs gazex ont été disposés dans tout le cirque pour protéger les nouvelles pistes de ski.

Conditions météorologiques

La saison 2008-09 a été particulière sur le plan nivo-météorologique. La position stable, mais anormale des centres dépressionnaire et anticyclonique sur l’Atlantique nord a permis la succession de retours d’est, où de l’air humide venant de Méditerranée remontait vers les Alpes, où il rencontrait un courant polaire, ce qui générait des chutes de neige localement abondantes sur toute la chaîne frontalière. Les températures sont restées durablement froides, même si elles n’ont pas atteint les records enregistrés en 2006. L’enneigement a été globalement très bon, voire exceptionnel sur certains secteurs. Une activité avalancheuse de grande ampleur a été observée dans les massifs méridionaux et le long de la chaîne frontalière en décembre 2008 ; dans le cirque de l’Arcelle, une avalanche avec une composante en aérosol a causé des dommages mineurs à la gare de départ du télésiège de l’Arcelle (2320 m).

L’hiver s’est passé assez tranquillement sur Val-Cenis, avec des chutes de neige assez régulières et des températures froides. Au début du mois d’avril, des conditions anticycloniques se sont maintenues plusieurs jours sur les Alpes, avec des températures moyennes plus élevées que la normale et l’isotherme 0 °C oscillant entre 2500 et 3000 m d’altitude. Les nuits claires ont favorisé le regel de surface du manteau neigeux, tandis qu’une activité avalancheuse modérée (essentiellement des coulées de neige humide) était observée durant les fins de journée. Lors du week-end de Pâques (11-13 avril 2009), une situation de barrage s’est installée, causant parfois de fortes chutes neiges sur la chaîne frontalière. Celles-ci sont toutefois restées modérées sur Val-Cenis (voir fig. 1). Le lundi de Pâques, la situation est redevenue globalement anticyclonique sur les Alpes, mais une dépression secondaire était en train de se creuser sur la Méditerranée. Le mercredi 15 et le jeudi 16 avril, une situation de foehn concerna les chaînes frontalières ; la limite des chutes de neige se situa autour de 2000 m et descendit jusque vers 1500 m en fin d’épisode (matinée du 16 avril). Sur Val-Cenis, cet épisode a amené environ 30 cm de neige à 2000 m, sans doute 40 à 50 cm de neige en altitude. Malgré ces chutes de neige, le manteau neigeux à 2000 m avait déjà commencé sa fonte printanière. Pour la journée du 16 avril, Météo-France annonçait un risque 3 (évoluant en 4 durant l’après-midi), ce qui est le cas le plus souvent en cette saison après des chutes de neige et des oscillations de l’isotherme 0 °C.


Figure 1 : chronologie des chutes de neige sur le poste du Vieux Moulin (1970 m) pendant le mois d’avril 2009. On a reporté les chutes de neige journalières (points) et l’évolution de l’épaisseur du manteau neigeux (courbe). La flèche indique la date de l’avalanche.

Circonstances de l’avalanche

Le service des pistes a conduit des opérations de déclenchement préventif dans le cadre du plan d’intervention pour le déclenchement des avalanches (PIDA) après les chutes de neige du 15 et 16 avril au matin. Les artificiers ont d’abord tenté de procéder à des tirs sur tout le secteur de l’Arcelle à l’aide des gazex, mais compte tenu de la défaillance de l’un des gazex sous la pointe de la Nunda, ils ont décidé de compléter les tirs en lançant deux flèches explosives avec l’avalancheur situé à l’entrée du cirque (2400 m). Ces flèches sont tombées dans le haut du cirque et n’ont pas donné lieu à des départs d’avalanche. Les tirs ayant été négatifs, le service des pistes a ouvert le domaine skiable et les remontées mécaniques sur tout le domaine d’altitude.

L’avalanche de la Nunda est partie naturellement en tout début d’après-midi (vers 13 h 15). C’est le seul événement survenu sur le domaine skiable d’après les artificiers ; aucune autre avalanche d’ampleur n’a été signalée ce jour-là en Maurienne ou dans les Alpes (en particulier aucun accident n’a concerné des skieurs en hors-piste ou ski de randonnée). La seule activité avalancheuse d’ampleur sur l’ensemble des Alpes françaises et suisses a eu lieu le 13 avril (plusieurs départs d’avalanche dus à des passages de skieurs se sont produits ce jour-là, avec en particulier, une avalanche à la Pointe Joanne, Queyras, faisant 3 morts et une avalanche à la pointe des Montets, Vanoise, à la limite du domaine skiable de Val d’Isère, sans faire de victime).

Dans la partie supérieure du cirque de l’Arcelle, le manteau neigeux était typique d’un manteau neigeux froid de haute altitude tel qu’on le rencontre dans les versants nord au printemps. La température était largement négative sur une grande profondeur du manteau neigeux tandis que près de la surface, la teneur en eau liquide était faible. Il ne présentait pas de structure évidente qui puisse laisser présager une quelconque instabilité (couche fragile, faible cohésion, etc.). La figure 2 montre le profil stratigraphique réalisé 5 jours après l’avalanche dans la zone de départ ; aucun sondage n’a été réalisé dans la zone de dépôt (entre 2200 et 2300 m), mais compte tenu des différences d’ensoleillement et de pente, il est clair que le manteau neigeux y était caractéristique d’un manteau neigeux printanier, composée en partie de neige humide (grains ronds).


Figure 2 : sondage stratigraphique réalisé le mardi 21 avril 2009 à 2750 m, à l’amont immédiat de la ligne de fracture (vers 2700 m) de l’avalanche du 16 avril 2009.

Dans le ravin sous la pointe de la Nunda (3023 m), une plaque est partie à l’altitude approximative de 2700 m. L’épaisseur de la cassure était d’environ 1 m. L’avalanche a sans doute mobilisé toute la neige récente accumulée depuis le début du mois ; la croûte de regel a dû servir de plan de glissement. Notons que la ligne de fracture était assez complexe et torturée, ce qui tend à indiquer qu’il ne s’agissait pas d’une rupture typique de neige froide, où la fracture se propage plus ou moins linéairement et quasi instantanément sur de grandes distances. La figure 3 offre une vue d’ensemble du cirque de l’Arcelle après l’avalanche et la figure 4 montre la principale zone de départ sous la pointe de la Nunda.

Figure 3 : vue du cirque de l’Arcelle. Le départ principal s’est fait au-dessus du ravin de la Nunda, sur la droite du cliché). Photographie réalisée le 21 avril 2009.

Figure 4 : vue sur la zone de départ de l’avalanche du 16 avril 2009. Sur la droite, on voit l’un des gazex de la Nunda. Cliché pris depuis hélicoptère le 21 avril 2009.

Une explication du départ de l’avalanche pourrait être la suivante :

  • des chutes de neige soutenues se produisent entre la journée du 15 et le matin du 16 avril, amenant environ 40 à 50 cm de neige fraîche en altitude (30 cm à 2000 m) ;
  • le mauvais temps s’évacue doucement, mais malgré la nébulosité, le rayonnement solaire est suffisant pour provoquer un réchauffement de l’air et des couches de neige ;
  • tôt dans la matinée, la neige dans le secteur de la Nunda (orienté au nord) se présente sous la forme d’une neige poudreuse avec une faible cohésion de feutrage. Les déclenchements préventifs avec l’avalancheur sont négatifs, même si vraisemblablement de petites coulées ont dû se produire. La faible cohésion ne permet pas la propagation de fracture ;
  • en début d’après-midi, la poudreuse commence à s’alourdir du fait du rayonnement solaire indirect. Il est vraisemblable que compte tenu de l’altitude à laquelle se situe l’isotherme 0 °C (autour de 2500 m), une très faible quantité d’eau liquide (quelques dixièmes de pour cent) soit apparue, ce qui peut expliquer un accroissement sensible de la cohésion de la neige (nécessaire à la propagation de ruptures sur une grande distance) avec, en parallèle et assez paradoxalement, une réduction de la résistance au cisaillement ;
  • une coulée (ou plusieurs) partie des panneaux raides sous la pointe de la Nunda sert de détonateur : elle grossit en mobilisant de la neige fraîche et parvient à franchir la zone en pente douce vers 2750 m d’altitude. Le flux de neige arrive alors dans les ravins sous la pointe de la Nunda et accélère tout en mobilisant de la neige récente. Une première fracture se produit vers la cote 2700 m, ce qui permet la mobilisation de toute la neige récente. Compte tenu de la forme de la cassure, on peut imaginer que la rupture s’est produite par traction du manteau neigeux, comme une couverture en glissement qui vient à se rompre sous l’effet de la traction. La mise en mouvement de la neige de surface entraîne une seconde couche, qui correspond à toute la neige au-dessus de la croûte de regel (voir fig. 2) ;
  • il est vraisemblable que le déroulement soit complexe, avec une avalanche s’écoulant en vagues successives. Dans le ravin, l’avalanche mobilise la neige récente, un peu plus humide. La première vague a dû être assez rapide et aller assez loin jusque dans le lit de l’Arcelle Neuve vers 2200 m d’altitude. Les vagues suivantes sont plus lourdes (mobilisant de grandes quantités de boules de neige) et lentes. Elles parviennent néanmoins à creuser leur chenal d’écoulement dans le dépôt meuble de la première vague.

L’avalanche a immobilisé l’essentiel de sa masse entre la piste de l’Arcelle à mi-versant (vers 2380 m) et la piste des Rhodos dans le bas du versant (vers 2250 m). Une faible partie a pu continuer son chemin dans le ravin de l’Arcelle Neuve. Sur la base des événements observés depuis les années 1980, on peut tirer les éléments suivants :

  • l’avalanche du 16 avril 2009 est le plus gros phénomène naturel observé depuis 1988 ;
  • il semble dépasser le phénomène de février 1988 en termes de volume mobilisé et d’emprise ;
  • l’emprise des zones de départ et de dépôt est bien plus étendue que ce que le service des pistes a l’habitude d’observer sur le site depuis la mise
    en place du PIDA (à l’automne 2000) ;
  • la superficie de la zone de dépôt est de 7 ha environ, ce qui suggère un volume déposé voisin de 200 000 m³ et des hauteurs de dépôt de plusieurs
    mètres.

La période de retour du phénomène est grande, de l’ordre de 20 à 30 ans. La figure 5 montre l’emprise de l’avalanche.


Figure 5 : emprise de l’avalanche du 16 avril 2009 d’après le relevé du 21 avril 2009.

Opérations de secours

Les opérations de secours ont été mises en œuvre avec une grande rapidité. Des pisteurs, un peloton de gendarmes, des CRS, et sept équipes cynophiles ont sondé la zone de dépôt durant tout l’après-midi (voir fig. 6). Par chance, aucun skieur n’a été emporté par l’avalanche. Les opérations de secours ont été arrêtées en fin d’après-midi.


Figure 6 : équipe cynophile en action. © Service des pistes de Valcenis.

Quelles leçons en tirer ?

Un événement exceptionnel est toujours l’occasion d’apporter des éléments nouveaux qui enrichissent notre compréhension et notre expérience des phénomènes naturels. Examinons l’avalanche de l’Arcelle sous trois éclairages différents : celui de la compréhension naturaliste, celui de la gestion du domaine skiable, et celui du niveau de sécurité sur des pistes de ski. L’avalanche de l’Arcelle du 16 avril 2009 étonne à plus d’un titre :

  • le manteau neigeux était globalement stable. C’est la seule avalanche (ou coulée) qui se soit produite sur tout le domaine skiable le 16 avril 2009 et c’est le seul accident reporté ce jour-là ou les jours suivants/précédents en France ou en Suisse ;
  • deux tirs préventifs à l’avalancheur avaient été réalisés dans le cadre du PIDA et n’avaient donné lieu à aucune avalanche dans le versant nord de la Nunda ;
  • le phénomène a pu gagner de l’ampleur car il y a eu un fort entraînement de neige. À bien y réfléchir, cela n’est peut-être pas aussi évident. Le versant nord de la Nunda est une zone traitée dans le cadre d’un PIDA, donc avec des avalanches régulièrement déclenchées et un tassement plus important du manteau neigeux dans le bas du versant. Même si l’isotherme 0 °C était assez haute et la fonte du manteau neigeux assez rapide en cette mi-avril, la teneur en eau du manteau neigeux en partie haute du versant de la Nunda était encore limitée et elle ne peut donc être un facteur fort d’instabilité qui aurait pu expliquer une érosion aisée du manteau neigeux dans les goulets et pentes sous la Nunda.

Des départs spontanés d’avalanche après des tirs négatifs sont nombreux au printemps lorsque la température du manteau neigeux atteint 0 °C sur toute son épaisseur ; l’augmentation de la teneur en eau liquide est un facteur significatif du risque d’avalanche au printemps. Toutefois, dans le cas présent, le manteau neigeux était encore constitué de neige froide. Quoique rares, des déclenchements de grande ampleur ont été rapportés pour des manteaux neigeux en neige froide « stabilisés ». Ainsi, l’avalanche de la combe du Pra en avril 1987 a tué un gendarme dans la combe nord de la dent du Pra. Il évoluait à skis (de randonnée) dans le bas de la combe nord du Pra. L’avalanche a vraisemblablement été déclenchée par un morceau de corniche tombé depuis la cime de la Jasse ; la rupture de corniche a mis en mouvement une énorme plaque de neige froide large de 350 m vers 2350 m d’altitude. L’enquête de Météo-France a montré l’existence d’une croûte de regel surmontée d’une fine couche de grains à faces planes située à 180 cm de la surface du manteau neigeux.

Dans le cas présent, le PIDA et la prévision locale n’ont pas complètement rempli leur mission dans la mesure où une avalanche s’est produite. Sur la base des connaissances actuelles, il n’y a pas de moyen technique ou d’élément d’observation qui aurait pu alerter les pisteurs du danger. L’accident du 16 avril 2009 entre dans la catégorie des phénomènes exceptionnels tant par leur extension que par le caractère presque incongru de leur occurrence. L’événement a néanmoins poussé les responsables de la station à chercher à améliorer encore la sécurité sur leur domaine. Pour rendre redondants les systèmes de déclenchement et se donner plus de liberté dans le choix des points de tir, la station a acquis un système appelé Daisybell (commercialisé par le groupe MND), qui est un gazex mobile transporté par hélicoptère. Elle a également formalisé la récolte des observations réalisées par les pisteurs artificiers au cours de la journée ; l’accent est également mis sur un contrôle encore plus poussé des secteurs sensibles du domaine skiable au cours de la journée, avec à la clé une fermeture des pistes sur ces secteurs. Toutefois, avec le recul, on peut se demander si on aurait pu éviter un tel accident quels que soient les moyens employés… Il est vraisemblable qu’on approche la limite technologique de ce que nous sommes capables de faire en termes de prévision locale et de gestion du risque par déclenchement artificiel.

Enfin, beaucoup ont été frappés par la couverture médiatique de l’événement puisque l’accident est passé au journal télévisé des grandes chaînes nationales et a fait l’objet de nombreux articles dans la presse nationale et suisse. Contrairement à l’avalanche d’Anzère (Suisse) du 27 décembre 2009, où deux skieurs ont été emportés par une avalanche sur une piste de ski, il n’y a pas eu d’emballement médiatique avec une « recherche de responsabilité », sans doute parce qu’il n’y a pas eu de victimes. Les événements récents d’Anzère et de Val-Cenis permettent de réfléchir sur l’évolution de notre société : d’un côté, les responsables des pistes mettent normalement tout en œuvre pour assurer la protection des usagers contre les avalanches (ils remplissent donc leur « obligation de moyens » selon l’expression juridique consacrée). De l’autre côté, les clients des stations considèrent qu’ils payent pour que leur sécurité soit garantie (demandant implicitement par là une « obligation de résultats »). Sur le plan technique, la problématique se pose différemment : comme pour tout système technologique, a fortiori placé dans le milieu naturel, le niveau de sécurité doit également rechercher un bon compromis entre le coût de la protection, le coût probable des dommages en cas de défaillance, et la faisabilité technique. S’il est souvent techniquement et économiquement possible d’assurer un bon niveau de protection des pistes de ski, il peut devenir très difficile techniquement de garantir un taux nul de défaillances des tirs.